Aller au contenu

Page:Mirbeau - Tous patriotes, paru dans l’Écho de Paris, 30 juin 1891.djvu/4

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Premier patriote

Mais savez-vous que c’est effrayant de vivre dans un temps pareil !… Oh ! les canailles ! (Geste vague de menace)… Boulanger vaincu… Triponé déshonoré !… Ah ! ils doivent rire, là-bas, les vandales ! Et Turpin !… Il n’était pas de la Ligue, lui !… Mais qu’est-ce que ça fait ?… Il en était de cœur… C’est un grand patriote… Pour moi, c’est un patriote admirable !… Enfin !… Turpin, ils auront beau dire… Turpin a trouvé le moyen de tuer plus de deux cents hommes, d’un seul coup !… Il a trouvé le moyen de faire sauter les vitres, comme moi cette soucoupe !… (Attendri)… Est-ce du patriotisme, oui ou non ?.. Deux cents hommes, mon bon ami !… (Avec admiration)… Peut-être quatre cents, car, on ne sait pas au juste… Et d’un seul coup ! Comment voulez-vous que je n’aime pas, que je n’admire pas cet homme-là !

Deuxième patriote

Oh ! c’est un rude lapin !… Eh bien, voilà comme nous traitons nos hommes de génie !… C’est dégoûtant !… Ma parole d’honneur, c’est dégoûtant !

Premier patriote

C’est triste à dire… Mais nous sommes à une époque où il ne faut pas avoir d’idées… On persécute les idées ! (S’exaltant.) Et quand je dis quatre cents !… C’est peut-être six cents, mille, deux mille !… (S’attristant tout à coup.) Et l’on s’est refusé à faire des expériences décisives !…

Deuxième patriote

C’était difficile !