Page:Mirbeau - Une face de Méline paru dans Le Journal du peuple, 1er mars 1899.djvu/3

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Une personne voulut bien, un jour, me faire comprendre à quoi peut servir l’économie politique, en des circonstances difficiles et pressantes. Elle me raconta l’histoire d’une entreprise financière excessivement parisienne et honnête, naturellement, comme elles sont toutes.

Cette entreprise avait été créée au capital de seize millions par un grand établissement de crédit maintenant défunt. La chance ne la favorisa pas, au bout de deux ans, elle avait mal tourné, comme une fille de roi. Une liquidation s’imposa. Des hommes de chiffres, corrects et spéciaux, furent commis à ce travail. Et il advint une chose inouïe. Sur les seize millions versés et encaissés, ils ne purent retrouver l’emploi que de quatre millions. Douze millions étaient égarés, fondus, volatilisés on ne sait où, quand et comment. Après d’inutiles recherches et des courses vaines à la poursuite de ces millions évaporés, ces hommes de chiffres se découragèrent et déclarèrent forfait, comme on dit sur le turf… C’est alors que M. C… fut chargé de reprendre l’affaire ; car il fallait à tout prix mettre la main sur les douze millions, sous peine de complications judiciaires, toujours désagréables, même à des banquiers cuirassés d’économie politique.

Cela ne traîna pas.