Page:Mirecourt - Alexandre Dumas.djvu/25

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CARLOS. — Tu as raison, mon ami ; je te remercie, je n’étais plus à moi-même. Que ce que tu as vu soit enseveli en ton sein comme en un cercueil. Tu es un enfant, sois-le toujours et continue à montrer la même gaieté. Qu’elle a été sage et prudente, celle qui t’a choisi pour un messager d’amour ! Ce n’est pas là que le roi cherche de vils espions.
SAINT-MÉGRIN. — Tu as raison, silence ! Sois muet comme la tombe ; oublie ce que tu as fait, ce que tu as vu ; ne te rappelle plus celui de ma maîtresse. Elle a montré de la prudence en te chargeant de ce message ; ce n’est point parmi les enfants qu’on doit craindre les délateurs.
LE PAGE. — Et moi, prince, je suis fier de me savoir, par ce secret, au-dessus du roi lui-même.
ARTHUR. — Et moi, comte, je suis fier d’avoir un secret à nous deux.
CARLOS. — Vanité puérile et folle ! C’est cela qui doit te faire trembler. S’il arrive que nous nous rencontrions en public, approche-toi de moi avec timidité et soumission. Que ta vanité ne t’entraîne jamais à faire remarquer que l’infant a de la bonté pour toi. Ce que tu auras désormais à me rapporter, ne le dis pas avec des mots, ne le confie point à tes lèvres. Parle-moi par tes regards, par tes signes ; je saurai entendre en un clin d’œil. On vient… au revoir.
SAINT-MÉGRIN. — Oui, mais un secret terrible, un de ces secrets qui tuent. S’il arrive que nous nous rencontrions, passe sans me connaître, sans m’apercevoir. Si tu avais encore dans l’avenir quelque chose à m’apprendre, ne l’exprime point par des paroles, ne le confie pas au papier ; un signe, un regard, me dira tout. Je devinerai le moindre de tes gestes, je comprendrai ta plus secrète pensée. Sors, et garde que personne ne te voie.