Page:Mireille Havet Carnaval 1922.djvu/12

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la cheville ronde. Elle sent à travers le bas cette joue qui brûle.

— « Daniel, que vous êtes enfant. Votre caractère est terrible, je ne peux rien dire. Vous êtes toujours hors de vous, ce n’est pas drôle ! »,

— « Pas drôle, Germaine, croyez-vous que ce soit plus drôle quand vous me parlez de Jérôme avec passion ? »

— « Cependant, vous ne pouvez tout de même pas exiger que je l’oublie pour aller vivre avec vous ? »

— « Si, justement. »

— « Si ! Mais, mon petit Daniel, puisque vous savez que c’est vous que j’aurais aimé à la place de Jérôme si la vie nous avait réunis, si même je pouvais, mais maintenant, ne me demandez pas d’abandonner tout ce que j’ai rassemblé avec tant de larmes, tant de cœur, tant d’humilité souvent. Jamais je n’ai parlé de cela, mais je crois que vous me comprendrez. Jérôme a forcé cette maison qui était la mienne, où je vivais seule et en paix. C’est à ce moment-là qu’il fallait venir. Ah, comme je vous aurais gardé avec joie, dans la chambre rouge… que tu connais, mon chéri. »

Son terrible visage, sur lequel transparaît réellement le désir de la fascination et du sortilège, se penche jusqu’à toucher celui pâle, haletant et levé de Daniel. Il sent sur ses joues la chaleur du sien et leurs lèvres se frôlent, il frémit, mais déjà elle sourit et se recule. « Soyons sages, mon amour. » Elle le calme comme on calme une bête. Elle lui caresse la nuque, le bord des cheveux si courts comme un gazon doré, où soudain boucle une feuille d’acanthe.

— « Par instant, vous avez un bien beau visage, dit-elle, vraiment surhumain. Par d’autres, vous avez l’air d’un tout petit garçon, par d’autres, d’une jolie femme et souvent d’un naufragé. »

— « D’amour, dit-il. »