Page:Mireille Havet Carnaval 1922.djvu/44

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est-il ? criait monsieur, en brandissant la culotte, à qui est-il ? Madame riait tellement, qu’elle ne pouvait rien dire. À la fin, monsieur le comte l’a plié très serré et l’a mis dans sa poche. Il a dit à madame qu’il l’emporterait à Venise, qu’il en ferait des rideaux pour sa chambre. »

— « Je ne trouve pas ça drôle, dit Daniel, j’aimais beaucoup ce pyjama. Il faudra m’en faire un, Thérèse, dans les rideaux d’ici. »

Il éteint l’électricité, ne gardant près du lit qu’un gros coquillage nacré, nouvelle invention de Germaine et d’où s’irise une douce lumière.

Thérèse, à côté, travaille toujours.

Il s’endort, au son du monologue, rêvant lui-même qu’il part.


À quatre heures du matin, la marquise vénitienne, un peu fripée, entre dans la chambre.

— « Bonjour, je crois bien que c’est la première fois que tu as dormi dans ce lit, tu vois bien que, d’habitude, c’est moi qui te gêne. Je n’ai plus de pieds, tu sais, tant j’ai dansé. Ah ! je ne tiens plus. Aide-moi à me défaire. »

À la lueur du coquillage et du petit jour, Daniel dégrafe la robe d’argent. Elle ôte sa perruque qu’elle lance à travers la chambre et, toute fardée, se couche.

— « Raconte-moi, dit-il, c’était bien ? »

— « Oui, très réussi, je n’ai pas cessé de danser. Un souper très gai, tu aurais dû venir. Tout le monde était masqué et personne ne reconnaissait personne. À la fin, on se tenait très mal, c’était bien ton affaire. Il y avait un beau jardin, un banc, du clair de lune. Si tu avais été là, sûrement… »

Elle l’embrasse.


— « Ah ! j’ai dansé avec un grand Arlequin, vraiment très Goldoni, je n’ai pas su qui c’était,