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en marquise. Mais déjà, l’odeur du bois brûlé le saisit, les tentures si douces qui font de cette pièce un lieu hors du monde.

Germaine est dans une grande bergère, près du feu qui flambe, une robe noire qui n’est pas rose celle-là l’entoure mollement, mettant en valeur sur sa chair pâle la rondeur d’admirables perles. Ses bras sont nus et Daniel sent en serrant sa main la grande émeraude de l’annulaire.

Germaine le présente, en effet dans une autre bergère il y a une dame à cheveux gris, « la marquise de Rives ». Daniel l’avait vue autrefois.

— « C’est mon meilleur ami, dit Germaine en riant. Mais cette maison l’ennuie, il ne vient jamais me voir. Avouez que c’est affreux. »

— « N’en croyez rien, madame, dit Daniel, seulement Germaine ne me reçoit que quand elle veut, c’est elle qui s’ennuie avec moi et ajourne ainsi mes visites, mais au fond, n’est-ce pas là le charme de l’amitié, s’oublier longtemps pour se retrouver mieux, et puis on n’oublie rien. »

Mais la marquise, un peu étonnée et jugeant l’heure tardive, se lève :

— « Ma petite Germaine, il faut que je rentre, merci pour votre hospitalité charmante, mais je suis une vieille dame qui n’aime pas les rues sombres, c’est pourquoi, sauf pour vous, je refuse toujours de dîner en ville. »

— « Thérèse va vous chercher une voiture », dit Germaine.

— « Mais je vais y aller », dit Daniel.

— « Reste donc, Thérèse ira, dit Germaine tout bas. Seulement, va lui expliquer. »

Et Daniel, ne sachant plus tellement tout est semblable à quelle époque de sa vie il se trouve, court à l’office chercher Thérèse qui coud encore.

— « Thérèse, vite un taxi pour la marquise, je la fais fuir. »