Page:Mireille Havet Carnaval 1922.djvu/89

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l’on se brûle aux lampes des fêtes, que l’on part sur le mauvais bateau, que l’on essaie les drogues. L’amour, la seule drogue, le seul départ, la seule fête. Il n’y a rien d’autre. Me voici donc, face à face avec la vérité terrible que dans ma lâcheté je contourne, moi Daniel et l’amour, mes mains tremblent, mon front se courbe, un danger sommeille en moi, une ivresse qu’un mot lève et déchaîne, une étincelle dans la paille.

Je suis bien calme sous la lampe, et cependant. Les livres que j’aime sont là.

Il suffit, semble-t-il, de lire.

La vie peut tenir, entre les livres et la page. Les spectacles de la vie, ai-je dit tout à l’heure, et puis j’ai décrit mes déceptions.

Il n’y a pas de spectacles. Il y a que nous sommes des acteurs en lambeaux et que nos grimaces nous coûtent un sang véritable.

Il se peut que je sois sur la pente terrible où tout se confond. L’orage est en moi, autour de moi, partout. Les coups de tonnerre se précipitent. Peut-être est-il temps d’être à genoux, comme les enfants sur les routes, au milieu des éclairs.

C’est vrai qu’on se tient mal.

Le calme de la nuit où j’écris ces turpitudes est effrayant, un grillon le perce avec son grelot. Des fleurs de magnolia m’étourdissent d’un arôme sucré comme les fruits et certaine chair merveilleuse.

Je ne sais plus, je voudrais sortir, hélas, la maison n’est rien et le jardin non plus ; c’est la clef de mon âme que je demande.

— « Et la clef de ton âme, répond Satan, c’est justement elle que je tiens cachée, justement. Cherche donc, essaie de t’en emparer à nouveau, voyons cherche, je te dirai si tu brûles.

— « Hélas Satan, ne saute pas ainsi, la joie de ton odieuse malice t’empêche de rester en place.