Page:Mireille Havet Carnaval 1922.djvu/91

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Germaine souffre cela tous les jours.

Elle sait très bien aussi que Jérôme ni Daniel ne lui reviendront jamais. Jérôme a tout à fait cessé d’écrire, Daniel, qu’elle supplie de revenir, se contente de lointains poèmes pour dissimuler peut-être l’ennui de cette correspondance, qui n’ajoute plus rien, et lui cacher qu’il vit avec une autre femme.

« Narcisse voudrait bien mourir », lui écrit-elle un jour.

Et Daniel qui aime pourtant, tout ce que devrait lui rappeler ce nom de « Narcisse » qu’il lui avait donné quelquefois à cause de leur ressemblance, répond cruellement :

— « Qu’importe que Narcisse veuille mourir, puisqu’il est d’autre part prisonnier en moi qui veux vivre. Mais on ne tue pas l’amour, Germaine, n’est-ce pas vous qui m’avez appris qu’il n’y avait que deux solutions : « Être tué parce qu’on aime ou en mourir. »

Vous êtes bien lâche soudain, qu’y a-t-il donc en vous de si grave ; me reniez-vous.

« Le visage éthéré du frère idéal qui l’appelait vers les eaux profondes. » Il y avait alors assez d’émotion en vous, pour désirer cette création dédoublée et cependant assez de légèreté et d’insouciance pour laisser tout aller durant l’éternité.

Vous êtes plus une pêcheuse qu’une pécheresse, car vous pêchez, ma chérie, là-même où Narcisse se penche. Germaine, il faut sortir de votre vie comme on quitte une chambre où l’on a trop dormi. Venez dans les pays qui délivrent, là je vous attends avec la foi que vous avez si cruellement éprouvée, et c’est là, non pas ailleurs, que Narcisse ne peut mourir puisque les miroirs et les sources gardent son image, bien après qu’il soit passé. »

Cette forme romantique de lettres créait entre