Aller au contenu

Page:Moke - Le Gueux de Mer ou La Belgique sous le Duc d'Albe, sd.djvu/147

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de ses habitants. C’est que le renversement des fortunes et la décimation des familles avaient déchiré tous les cœurs. L’inquiétude abrégeait les jours du père, le regret faisait périr la veuve à la fleur de son âge, les enfants orphelins mouraient de besoin ou de désespoir. Au milieu de cette scène de désolation, le zèle du clergé semblait infatigable : non seulement les prêtres attachés aux paroisses, mais encore la plupart des moines prodiguaient aux malheureux leurs soins et leurs bienfaits. On les rencontrait au chevet des malades et dans le cachot des prisonniers, et ce clergé, qui était alors le plus éclairé de l’Europe, se montrait aussi le plus héroïque.

Une douleur mêlée d’effroi saisit les deux dames lorsqu’elles virent Bruxelles tellement changé. — Voilà les fruits amers de l’hérésie et de la révolte ! s’écriait la baronne. — Ne seraient-ce pas les effets de la tyrannie étrangère ? se demandait tout bas la timide Marguerite.

Elles se firent successivement conduire chez plusieurs personnes de leur famille, où elles comptaient demander l’hospitalité, mais elles trouvèrent leurs hôtels vides et abandonnés ; le fisc s’était même emparé de quelques-uns. Ainsi elles furent réduites à se loger chez d’honnêtes bourgeois attachés de tout temps à leur maison. On les y accueillit cordialement, mais sans ces démonstrations de joie qui, à une autre époque, eussent témoigné le prix qu’on attachait à leur présence ; car un gouvernement ombrageux avait rendu pénibles les relations les plus douces.