Page:Moke - Le Gueux de Mer ou La Belgique sous le Duc d'Albe, sd.djvu/201

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tions actuelles de la salle avaient servi dans cette grande occasion ; on apercevait encore à l’extrémité le trône de l’Empereur et les sièges dorés qu’avaient occupés ce jour-là six têtes couronnées.

Une foule de guerriers, de magistrats, de gentilshommes et d’ecclésiastiques étaient maintenant rassemblés dans cette enceinte, pour assister à une scène moins grande sans doute, mais qui devait peut-être intéresser encore davantage les habitants des Pays-Bas. C’était la réception du duc de Médina-Cœli. Du caractère et des intentions de ce nouveau gouverneur allait dépendre le sort d’un peuple réduit au désespoir. Des dispositions rigoureuses feraient indubitablement éclater une révolte générale : des desseins pacifiques pouvaient encore rendre aux Dix-Sept Provinces le repos et la prospérité. Telle était l’alternative qui s’offrait à tous les esprits, et l’on attendait avec anxiété le moment où don Juan de la Cerda allait paraître, pour puiser dans sa vue et dans ses discours des motifs d’espérance ou de crainte.

Au haut de la salle se tenait le duc d’Albe, entouré d’officiers allemands et espagnols avec lesquels il s’entretenait. On n’apercevait sur sa figure et dans ses manières aucune trace de la fureur qui l’avait agité. Il avait l’air riant, et ses discours semés de plaisanteries n’étaient point ceux d’un homme qui médite des desseins hardis ou qui regrette le pouvoir près de lui échapper. Il paraissait aussi gai, aussi ferme, aussi hautain qu’aux jours de ses triomphes. À peine les