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Page:Moke - Le Gueux de Mer ou La Belgique sous le Duc d'Albe, sd.djvu/223

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une sorte de solennité : Mettez votre main ici, dit-il, et appelez sur votre tête la malédiction divine au cas où vous rompriez votre promesse.

Le jeune noir posa la main sur le livre.

— Ne croyez pas, au moins, s’écria le duc, que prêtre ni pontife puisse vous dégager d’un tel serment.

— Je ne le crois pas.

— Quand vous l’aurez prononcé, il vous liera retour.

— Sans retour !

— Eh bien, jurez !

Don Alonzo leva les yeux au ciel, et, d’un air assuré, d’une voix ferme et sonore : Je jure, dit-il, et puisse Dieu me punir si je fausse mon serment ! je jure de regarder comme rompus les liens qui m’attachaient à un homme sans foi et sans pitié ; je jure de consacrer ma vie à mon libérateur, à mon ami, à Louis de Winchestre !

La rage étincelait dans les yeux de Ferdinand de Tolède. — Traître ! dit-il en frémissant ; misérable traître !

— Le serment est prononcé, dit le mulâtre : je suis lié sans retour. Êtes-vous satisfait ?

Le duc leva son poignard.

— Je ne me défendrai point contre vous, reprit le jeune noir ; tuez-moi, comme vous avez tué ma mère.

Au souvenir de cette femme, qu’il avait chérie avec une ardeur sans égale, le féroce Espagnol s’arrêta et détourna les yeux, pour ne plus voir celui dont la