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Page:Moke - Le Gueux de Mer ou La Belgique sous le Duc d'Albe, sd.djvu/288

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Le premier qui s’adressa au monarque était un officier maure de Tunis, qui avait embrassé la religion catholique et essayé d’introduire dans cette ville un parti d’Espagnols. Pour le déterminer à cette entreprise on lui avait fait de magnifiques promesses : il en réclamait l’exécution, maintenant que, proscrit par ses compatriotes, il ne pouvait trouver de ressources que dans la générosité du Roi.

Philippe écouta patiemment le discours de cet homme, quoique l’Africain s’exprimât avec difficulté en langue espagnole. L’attention que le Roi paraissait lui prêter, l’air en même temps grave et bienveillant qu’il affectait, semblaient promettre une réponse favorable. — Vous avez raison, dit-il, en appuyant sur ces mots d’une manière remarquable ; nous avons nous-même approuvé les offres qu’on vous a faites, et nous voulons les remplir ; mais vous savez qu’un prince chrétien (et il prononça ce mot d’une voix plus basse, avec l’accent de la dévotion) ne peut rien faire que de l’avis de ses directeurs : nous avons donc soumis le cas à notre directeur de conscience, don Antonio Pérez va nous apprendre sa décision.

Quand le Maure eut entendu le monarque s’exprimer de la sorte, une vive joie brilla dans ses grands yeux noirs et un sourire expressif peignit ses espérances ; croisant les mains sur sa poitrine, il se prosterna presque jusqu’à terre.

Cependant le secrétaire d’État Antonio Pérez, auquel le Roi avait demandé la décision du conseil de conscience, s’était approché à pas lents, avec la