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Page:Moke - Le Gueux de Mer ou La Belgique sous le Duc d'Albe, sd.djvu/383

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où pénétrait à peine la lueur du jour, et dans cette étroite prison les angoisses de l’inquiétude et les horreurs du désespoir vinrent les assiéger.

Le vieillard prévoyait le sort qui lui était réservé, mais il s’affligeait moins de son malheur que de celui des deux femmes qui lui étaient si chères. Il regrettait d’être échappé des cachots de l’inquisition, puisqu’il fallait racheter un moment de repos par de nouvelles tortures, et associer à l’infortune la plus cruelle sa fille bien-aimée et sa bonne sœur. Cependant il s’efforçait de cacher ses souffrances, il affectait même dans ses discours une sécurité parfaite, trop démentie, hélas ! par l’altération de son visage.

La baronne de Berghes, faible et inconséquente, passait de la crainte à l’espérance, et de l’espérance à la crainte. Tantôt elle pleurait son malheureux sort, et eût voulu apitoyer ses gardiens ; tantôt elle se croyait forte de son innocence, et comptait sur l’appui de Louis de Winchestre qui l’avait déjà si souvent délivrée. Alors elle menaçait les Espagnols d’un juste châtiment, et déjà elle les voyait tous pendus ou jetés à la mer : un moment après elle était à leurs genoux.

Marguerite, pour qui les fêtes de l’amour et de l’hymen s’étaient si cruellement changées en jours de douleur et d’esclavage, soutenue par sa piété filiale, étouffait ses souffrances et semblait puiser un nouveau courage dans son malheur. Elle consolait tour à tour son père et sa tante ; sa tendresse ingénieuse lui fournissait mille sujets d’espérance pour les rani-