Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 1.djvu/112

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Le docteur

Tu es docteur quand tu veux ? Ouais ! Je pense que tu es un plaisant docteur. Tu as la mine de suivre fort ton caprice : des parties d’oraison, tu n’aimes que la conjonction ; des genres, le masculin ; des déclinaisons, le génitif ; de la syntaxe, mobile cum fixo ; et enfin de la quantité, tu n’aimes que le dactyle, quia constat ex una longa et duabus brevibus. Venez çà, vous, dites-moi un peu quelle est la cause, le sujet de votre combustion.

Le Barbouillé

Monsieur le docteur…

Le docteur

Voilà qui est bien commencé ; monsieur le docteur, ce mot de docteur a quelque chose de doux à l’oreille, quelque chose plein d’emphase ; monsieur le docteur !

Le Barbouillé

À la mienne volonté…

Le docteur

Voilà qui est bien… à la mienne volonté ! La volonté présuppose le souhait, le souhait présuppose des moyens pour arriver à ses fins, et la fin présuppose un objet ; voilà qui est bien… à la mienne volonté !

Le Barbouillé

J’enrage.

Le docteur

Ôtez-moi ce mot, j’enrage ; voilà un terme bas et populaire.

Le Barbouillé

Hé ! Monsieur le docteur, écoutez-moi, de grâce.

Le docteur

Audi, quæso, auroit dit Ciceron.

Le Barbouillé

Oh ! Ma foi, si se rompt, si se casse, ou si se brise, je ne m’en mets guère en peine ; mais tu m’écouteras, ou je te vais casser ton museau doctoral ; et que diable donc est ceci ?

xxLe barbouillé, Angélique, Gorgibus, Cathau, Villebrequin voulant dire la cause de la querelle, et Le Docteur disant que la paix est une belle chose, parlent tous à la fois. Au milieu de tout ce bruit, le Barbouillé attache le Docteur par le pied, et le fait tomber ; le Docteur se doit laisser sur le dos : le Barbouillé l’entraîne par la corde qu’il lui a attachée au pied, et, pendant qu’il l’entraîne, le Docteur doit toujours parler, et compter par ses doigts toutes ses raisons, comme s’il n’étoit point à terre.