Prenons garde qu’aucun ne nous vienne surprendre,
Ou que de quelque endroit on ne nous puisse entendre.
Nous serions au logis beaucoup moins sûrement :
Ici de tous côtés on découvre aisément,
Et nous pouvons parler avec toute assurance.
Hélas ! Que j’ai de peine à rompre mon silence !
Ouais ! Ceci doit donc être un important secret.
Trop, puisque je le fie à vous-même à regret,
Et que si je pouvois le cacher davantage,
Vous ne le sauriez point.
Ha ! C’est me faire outrage,
Feindre à s’ouvrir à moi, dont vous avez connu
Dans tous vos intérêts l’esprit si retenu !
Moi nourrie avec vous, et qui tiens sous silence
Des choses qui vous sont de si grande importance !
Qui sais…
Oui, vous savez la secrète raison
Qui cache aux yeux de tous mon sexe et ma maison ;
Vous savez que dans celle où passa mon bas âge
Je suis pour y pouvoir retenir l’héritage
Que relâchoit ailleurs le jeune Ascagne mort,
Dont mon déguisement fait revivre le sort ;
Et c’est aussi pourquoi ma bouche se dispense
À vous ouvrir mon cœur avec plus d’assurance.
Mais avant que passer, Frosine, à ce discours,
Éclaircissez un doute où je tombe toujours :
Se pourroit-il qu’Albert ne sût rien du mystère
Qui masque ainsi mon sexe, et l’a rendu mon père ?
En bonne foi, ce point sur quoi vous me pressez
Est une affaire aussi qui m’embarrasse assez :
Le fond de cette intrigue est pour moi lettre close,
Et ma mère ne put m’éclaircir mieux la chose.