Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 1.djvu/411

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Et de mes actions défende l'innocence
Contre le moindre effort d'une fausse apparence !
Oui, je vois Ah ! surtout ne m'interrompez point.
Je vois, dis-je, mon sort malheureux à ce point,
Qu'un cœur qui dit qu'il m'aime, et qui doit faire croire
Que, quand tout l'univers douterait de ma gloire,
Il voudrait contre tous en être le garant,
Est celui qui s'en fait l'ennemi le plus grand.
On ne voit échapper aux soins que prend sa flamme
Aucune occasion de soupçonner mon âme.
Mais c'est peu des soupçons : il en fait des éclats
Que, sans être blessé, l'amour ne souffre pas.
Loin d'agir en amant, qui, plus que la mort même,
Appréhende toujours d'offenser ce qu'il aime,
Qui se plaint doucement, et cherche avec respect
À pouvoir s'éclaircir de ce qu'il croit suspect,
À toute extrémité dans ses doutes il passe,
Et ce n'est que fureur, qu'injure et que menace.
Cependant aujourd'hui je veux fermer les yeux
Sur tout ce qui devrait me le rendre odieux,
Et lui donner moyen, par une bonté pure,
De tirer son salut d'une nouvelle injure.
Ce grand emportement qu'il m'a fallu souffrir
Part de ce qu'à vos yeux le hasard vient d'offrir :
J'aurais tort de vouloir démentir votre vue,
Et votre âme sans doute a dû paraître émue.

Dom Garcie
Et n’est-ce pas…

Done Elvire
Et n’est-ce pas… Encore un peu d'attention,
Et vous allez savoir ma résolution.
Il faut que de nous deux le destin s'accomplisse.
Vous êtes maintenant sur un grand précipice ;
Et ce que votre cœur pourra délibérer
Va vous y faire choir, ou bien vous en tirer.
Si, malgré cet objet qui vous a pu surprendre,
Prince, vous me rendez ce que vous devez rendre
Et ne demandez point d'autre preuve que moi
Pour condamner l'erreur du trouble où je vous voi,