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Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 1.djvu/415

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Et mon honneur en butte aux soupçons qu'il peut prendre
Est réduit à toute heure aux soins de se défendre.
Nos doux embrassements, qu'a surpris ce jaloux,
De cent indignités m'ont fait souffrir les coups.
Oui, voilà le sujet d'une fureur si prompte,
Et l'assuré témoin qu'on produit de ma honte.
Jouissez à cette heure en tyran absolu
De l'éclaircissement que vous avez voulu ;
Mais sachez que j'aurai sans cesse la mémoire
De l'outrage sanglant qu'on a fait à ma gloire ;
Et si je puis jamais oublier mes serments,
Tombent sur moi du Ciel les plus grands châtiments !
Qu'un tonnerre éclatant mette ma tête en poudre,
Lorsqu'à souffrir vos feux je pourrai me résoudre !
Allons, Madame, allons, ôtons-nous de ces lieux,
Qu'infectent les regards d'un monstre furieux ;
Fuyons-en promptement l'atteinte envenimée,
Évitons les effets de sa rage animée,
Et ne faisons des vœux, dans nos justes desseins,
Que pour nous voir bientôt affranchir de ses mains.

Done Ignès
Seigneur, de vos soupçons l’injuste violence
À la même vertu vient de faire une offense.

Dom Garcie
Quelles tristes clartés dissipent mon erreur,
Enveloppent mes sens d'une profonde horreur,
Et ne laissent plus voir à mon âme abattue
Que l'effroyable objet d'un remords qui me tue !
Ah ! Dom Alvar, je vois que vous avez raison ;
Mais l'enfer dans mon cœur a soufflé son poison ;
Et par un trait fatal d'une rigueur extrême,
Mon plus grand ennemi se rencontre en moi-même.
Que me sert-il d'aimer du plus ardent amour
Qu'une âme consumée ait jamais mis au jour,
Si par ses mouvements, qui font toute ma peine,
Cet amour à tous coups se rend digne de haine ?
Il faut, il faut venger par mon juste trépas