Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 1.djvu/424

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Et le sang qui nous joint m'a si bien détaché
De l'amour dont pour vous mon cœur était touché,
Qu'il ne respire plus, pour faveur souveraine,
Que les chères douceurs de sa première chaîne
Et le moyen de rendre à l'adorable Ignès
Ce que de ses bontés a mérité l'excès.
Mais son sort incertain rend le mien misérable,
Et si ce qu'on en dit se trouvait véritable,
En vain Léon m'appelle et le trône m'attend :
La couronne n'a rien à me rendre content,
Et je n'en veux l'éclat que pour goûter la joie
D'en couronner l'objet où le Ciel me renvoie,
Et pouvoir réparer par ces justes tributs
L'outrage que j'ai fait à ses rares vertus.
Madame, c'est de vous que j'ai raison d'attendre
Ce que de son destin mon âme peut apprendre :
Instruisez-m'en, de grâce, et par votre discours
Hâtez mon désespoir ou le bien de mes jours.

Done Elvire
Ne vous étonnez pas si je tarde à répondre,
Seigneur : ces nouveautés ont droit de me confondre.
Je n'entreprendrai point de dire à votre amour
Si Done Ignès est morte ou respire le jour ;
Mais par ce cavalier, l'un de ses plus fidèles,
Vous en pourrez sans doute apprendre des nouvelles.

Dom Sylve ou Dom Alphonse
Ah ! Madame, il m’est doux en ces perplexités
De voir ici briller vos célestes beautés,
Mais vous avec quels yeux verrez-vous un volage,
Dont le crime…

Done Ignès
Dont le crime… Ah ! gardez de me faire un outrage,
Et de vous hasarder à dire que vers moi
Un cœur dont je fais cas ait pu manquer de foi ;
J'en refuse l'idée, et l'excuse me blesse :
Rien n'a pu m'offenser auprès de la Princesse ;
Et tout ce que d'ardeur elle vous a causé
Par un si haut mérite est assez excusé.
Cette flamme vers moi ne vous rend point coupable,
Et dans le noble orgueil dont je me sens capable,
Sachez, si vous l'étiez, que ce serait en vain