Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 1.djvu/445

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brusque, et l’accueil loup-garou.

Valère
Ah ! J’enrage !

Ergaste
Et de quoi ?

Valère
De quoi ? C’est que j’enrage
De voir celle que j’aime au pouvoir d’un sauvage,
D’un dragon surveillant, dont la sévérité
Ne lui laisse jouir d’aucune liberté.

Ergaste
C’est ce qui fait pour vous, et sur ces conséquences
Votre amour doit fonder de grandes espérances :
Apprenez, pour avoir votre esprit raffermi,
Qu’une femme qu’on garde est gagnée à demi,
Et que les noirs chagrins des maris ou des pères
Ont toujours du galand avancé les affaires.
Je coquette fort peu, c’est mon moindre talent,
Et de profession je ne suis point galant ;
Mais j’en ai servi vingt de ces chercheurs de proie,
Qui disaient fort souvent que leur plus grande joie
Était de rencontrer de ces maris fâcheux,
Qui jamais sans gronder ne reviennent chez eux,
De ces brutaux fieffés, qui sans raison ni suite
De leurs femmes en tout contrôlent la conduite,
Et du nom de mari fièrement se parants
Leur rompent en visière aux yeux des soupirants.
« On en sait, disent-ils, prendre ses avantages ;
Et l’aigreur de la dame à ces sortes d’outrages,
Dont la plaint doucement le complaisant témoin,
Est un champ à pousser les choses assez loin. »
En un mot, ce vous est une attente assez belle,
Que la sévérité du tuteur d’Isabelle.

Valère
Mais depuis quatre mois que je l’aime ardemment,
Je n’ai pour lui parler pu trouver un moment.

Ergaste