Et pourquoi ?
Isabelle
Lui voulez-vous donner à croire que c’est moi ?
Une fille d’honneur doit toujours se défendre
De lire les billets qu’un homme lui fait rendre :
La curiosité qu’on fait lors éclater
Marque un secret plaisir de s’en ouïr conter ;
Et je treuve à propos que toute cachetée
Cette lettre lui soit promptement reportée,
Afin que d’autant mieux il connoisse aujourd’hui
Le mépris éclatant que mon coeur fait de lui,
Que ses feux désormais perdent toute espérance,
Et n’entreprennent plus pareille extravagance.
Sganarelle
Certes elle a raison lorsqu’elle parle ainsi.
Va, ta vertu me charme, et ta prudence aussi :
Je vois que mes leçons ont germé dans ton âme,
Et tu te montres digne enfin d’être ma femme.
Isabelle
Je ne veux pas pourtant gêner votre desir :
La lettre est en vos mains, et vous pouvez l’ouvrir.
Sganarelle
Non, je n’ai garde : hélas ! Tes raisons sont trop bonnes ;
Et je vais m’acquitter du soin que tu me donnes,
À quatre pas de là dire ensuite deux mots,
Et revenir ici te remettre en repos.
Scène 4
Sganarelle
Dans quel ravissement est-ce que mon coeur nage,
Lorsque je vois en elle une fille si sage !
C’est un trésor d’honneur que j’ai dans ma maison.
Prendre un regard d’amour pour une trahison !
Recevoir un poulet comme une injure extrême,
Et le faire au galand reporter par moi-même !
Je voudrais bien savoir, en voyant tout ceci,
Si celle de mon frère en userait ainsi.
Ma foi ! Les filles sont ce que l’on les fait être.
Holà !
Ergaste