Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 1.djvu/457

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Si les destins, en vous, qui captivez son coeur,
N’opposaient un obstacle à cette juste ardeur.

Sganarelle
Fort bien.

Valère
Que, quoi qu’on fasse, il ne lui faut pas croire
Que jamais ses appas sortent de ma mémoire ;
Que, quelque arrêt des cieux qu’il me faille subir,
Mon sort est de l’aimer jusqu’au dernier soupir ;
Et que si quelque chose étouffe mes poursuites,
C’est le juste respect que j’ai pour vos mérites.

Sganarelle
C’est parler sagement ; et je vais de ce pas
Lui faire ce discours, qui ne la choque pas.
Mais, si vous me croyez, tâchez de faire en sorte
Que de votre cerveau cette passion sorte.
Adieu.

Ergaste
La dupe est bonne.

Sganarelle
Il me fait grand pitié,
Ce pauvre malheureux trop rempli d’amitié ;
Mais c’est un mal pour lui de s’être mis en tête
De vouloir prendre un fort qui se voit ma conquête.


Scène 7

Sganarelle
Jamais amant n’a fait tant de trouble éclater,
Au poulet renvoyé sans se décacheter :
Il perd toute espérance enfin, et se retire.
Mais il m’a tendrement conjuré de te dire
Que du moins en t’aimant il n’a jamais pensé
À rien dont ton honneur ait lieu d’être offensé,
Et que, ne dépendant que du choix de son âme,
Tous ses desirs étaient de t’obtenir pour femme,
Si les destins, en moi, qui captive ton coeur,
N’opposaient un obstacle à cette juste ardeur ;
Que, quoi qu’on puisse faire, il ne te faut pas croire