Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 1.djvu/461

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Vous savez bien de quoi je veux parler.
Je vous croyais plus sage, à ne vous rien celer.
Vous venez m’amuser de vos belles paroles,
Et conservez sous main des espérances folles.
Voyez-vous, j’ai voulu doucement vous traiter,
Mais vous m’obligerez à la fin d’éclater.
N’avez-vous point de honte, étant ce que vous êtes,
De faire en votre esprit les projets que vous faites,
De prétendre enlever une fille d’honneur,
Et troubler un hymen qui fait tout son bonheur ?

Valère
Qui vous a dit, monsieur, cette étrange nouvelle ?

Sganarelle
Ne dissimulons point : je la tiens d’Isabelle,
Qui vous mande par moi, pour la dernière fois,
Qu’elle vous a fait voir assez quel est son choix,
Que son coeur, tout à moi, d’un tel projet s’offense,
Qu’elle mourrait plutôt qu’en souffrir l’insolence,
Et que vous causerez de terribles éclats
Si vous ne mettez fin à tout cet embarras.

Valère
S’il est vrai qu’elle ait dit ce que je viens d’entendre,
J’avouerai que mes feux n’ont plus rien à prétendre :
Par ces mots assez clairs je vois tout terminé,
Et je dois révérer l’arrêt qu’elle a donné.

Sganarelle
Si ? Vous en doutez donc, et prenez pour des feintes
Tout ce que de sa part je vous ai fait de plaintes ?
Voulez-vous qu’elle-même elle explique son coeur ?
J’y consens volontiers pour vous tirer d’erreur.
Suivez-moi, vous verrez s’il est rien que j’avance,
Et si son jeune coeur entre nous deux balance.


Scène 9

Isabelle
Quoi ? Vous me l’amenez ! Quel est votre dessein ?
Prenez-vous contre moi ses intérêts en main ?
Et voulez-vous, charmé de ses rares mérites,