Aller au contenu

Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 1.djvu/486

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Sous quel astre, bon Dieu, faut-il que je sois né,
Pour être de fâcheux toujours assassiné  !
Il semble que partout le sort me les adresse,
Et j’en vois chaque jour quelque nouvelle espèce  ;
Mais il n’est rien d’égal au fâcheux d’aujourd’hui  ;
J’ai cru n’être jamais débarrassé de lui,
Et cent fois j’ai maudit cette innocente envie
Qui m’a pris à dîné de voir la comédie,
Où, pensant m’égayer, j’ai misérablement
Trouvé de mes péchés le rude châtiment.
Il faut que je te fasse un récit de l’affaire,
Car je m’en sens encor tout ému de colère.
J’étois sur le théâtre, en humeur d’écouter
La pièce, qu’à plusieurs j’avois ouï vanter  ;
Les acteurs commençoient, chacun prêtoit silence,
Lorsque d’un air bruyant et plein d’extravagance,
Un homme à grands canons est entré brusquement,
En criant  : " holà-ho  ! Un siége promptement  ! "
Et de son grand fracas surprenant l’assemblée,
Dans le plus bel endroit a la pièce troublée.
Hé  ! Mon Dieu  ! Nos François, si souvent redressés,
Ne prendront-ils jamais un air de gens sensés,
Ai-je dit, et faut-il sur nos défauts extrêmes
Qu’en théâtre public nous nous jouions nous-mêmes,
Et confirmions ainsi par des éclats de fous
Ce que chez nos voisins on dit partout de nous  ?
Tandis que là-dessus je haussois les épaules,
Les acteurs ont voulu continuer leurs rôles  ;
Mais l’homme pour s’asseoir a fait nouveau fracas,