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Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 1.djvu/522

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des Spectacles : « Il faut avouer de bonne foi que la comédie moderne est exempte d’idolâtrie et de superstition, mais il faut qu’on convienne aussi qu’elle n’est pas exempte d’impureté ; qu’au contraire cette honnêteté apparente, qui avoit été le prétexte des approbations mal fondées qu’on lui donnoit, commence présentement à céder à une immodestie ouverte et sans ménagement, et qu’il n’y a rien, par exemple, de plus scandaleux que la cinquième scène du second acte de l’École des Femmes, qui est une des plus nouvelles comédies. »

Heureusement pour Molière, Louis XIV se rangea au nombre de ses défenseurs, et comme compensation des insultes de la critique, Boileau lui adressa pour étrennes le 1er janvier 1663, des stances où se trouvent ces vers :

En vain mille jaloux esprits,
Molière, osent avec mépris
Censurer un si bel ouvrage ;
Ta charmante naïveté
S’en va pour jamais d’âge en âge
Enjouer la postérité.

Ceux même qui attaquaient la nouvelle comédie avec le plus d’acharnement, lui donnaient à côté du blâme les plus pompeux éloges, témoin ce passage où de Visé, l’un des critiques les plus ardents, après avoir dit « qu’on ne vit jamais tant de méchantes choses ensemble, » ajoute : « Mais il y en a de si naturelles, qu’il semble que la nature ait elle-même travaillé à les faire : il y a des endroits qui sont inimitables, et qui sont si bien exprimés, que je manque de termes assez forts et assez significatifs pour les bien faire concevoir. Il n’y a personne au monde qui les pût si bien exprimer, à moins qu’il n’eût son génie, quand il seroit un siècle à les tourner. Ce sont des portraits de la nature qui peuvent passer pour des originaux : il semble qu’elle y parle elle-même ; et ces endroits ne se rencontrent pas seulement dans ce que dit Agnès, mais dans tous les rôles de la pièce. »

Les avis, on le voit, au moment même de l’apparition de l’École des Femmes, furent très-partagés ; et depuis Molière jusqu’à nos jours, ou retrouve la même divergence entre les diverses opinions des critiques. Fénelon, Jean-Jacques Rousseau et Geoffroy, entre autres, se sont montrés fort sévères.

« Molière, dit Geoffroy à propos de la pièce qui nous occupe, a flatté le goût du siècle qui voulait secouer le joug de l’ancienne sévérité, et opérer un plus grand rapprochement entre les sexes. De son temps la galanterie, la politesse et les plaisirs étaient concentrés à la cour et dans les premières maisons de la ville. La bourgeoisie et le peuple étaient encore dans l’état d’une demi-barbarie ; c’est Molière qui a poli l’ordre mitoyen et les