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vous assurer, avec tout le respect qu’il m’est possible, que je suis,

DE VOTRE ALTESSE ROYALE,

MADAME,
Le très humble, très obéissant,
et très obligé serviteur,
Molière.




PRÉFACE.


Bien des gens ont frondé d’abord cette comédie ; mais les rieurs ont été pour elle, et tout le mal qu’on en a pu dire n’a pu faire qu’elle n’ait eu un succès dont je me contente.

Je sais qu’on attend de moi dans cette impression quelque préface qui réponde aux censeurs, et rende raison de mon ouvrage ; et sans doute que je suis assez redevable à toutes les personnes qui lui ont donné leur approbation, pour me croire obligé de défendre leur jugement contre celui des autres ; mais il se trouve qu’une grande partie des choses que j’aurois à dire sur ce sujet est déjà dans une dissertation que j’ai faite en dialogue, et dont je ne sais encore ce que je ferai.

L’idée de ce dialogue, ou, si l’on veut, de cette petite comédie[1], me vint après les deux ou trois premières représentations de ma pièce.

Je la dis, cette idée, dans une maison où je me trouvai un soir ; et d’abord une personne de qualité, dont l’esprit est assez connu dans le monde[2], et qui me fait l’honneur de m’aimer, trouva le projet assez à son gré, non-seulement pour me solliciter d’y mettre la main, mais encore pour l’y mettre lui-même ; et je fus étonné que deux jours après il me montra toute l’affaire exécutée d’une manière à la vérité beaucoup plus galante et plus spirituelle que je ne puis faire, mais où je trouvai des choses trop avantageuses pour moi ; et j’eus peur que, si je produisois cet ouvrage sur notre théâtre, on ne m’accusât d’avoir mendié les louanges qu’on m’y donnoit. Cependant cela m’empêcha, par quelque considération, d’achever ce que j’avois commencé. Mais tant de gens me pressent tous les jours de le faire, que je ne

  1. La Critique de l’École des femmes, jouée le 1er juin 1663.
  2. L’abbé Dubuisson, grand introducteur des ruelles.