pièce à une troupe de comédiens nouvellement arrivés de la campagne. — Avez-vous, aurait-il dit, des acteurs et des actrices qui soient capables de bien faire valoir un ouvrage, car ma pièce est une pièce… — Eh ! Monsieur, auraient répondu les comédiens, nous avons des hommes et des femmes qui ont été trouvés raisonnables partout où nous avons passé. — Et qui fait les rois parmi vous ? — Voilà un acteur qui s’en démêle parfois. — Qui ? ce jeune homme bien fait ? Vous moquez-vous ? Il faut un roi qui soit gros et gras comme quatre, un roi, morbleu ! qui soit entripaillé comme il faut, un roi d’une vaste circonférence, et qui puisse remplir un trône de la belle manière. La belle chose qu’un roi d’une taille galante ! Voilà déjà un grand défaut ; mais que je l’entende un peu réciter une douzaine de vers. Là-dessus le comédien aurait récité, par exemple, quelques vers du roi de Nicomède :
Te le dirai-je, Araspe ? Il m’a trop bien servi ;
Augmentant mon pouvoir…
le plus naturellement qu’il aurait été possible. Et le poète : Comment ? Vous appelez cela réciter ? C’est se railler : il faut dire les choses avec emphase. Écoutez-moi.
(Imitant Montfleury, excellent acteur de l’Hôtel de Bourgogne.)
Te le dirai-je, Araspe ? … Etc.
Voyez-vous cette posture ? Remarquez bien cela. Là, appuyez comme il faut le dernier vers. Voilà ce qui attire l’approbation, et fait faire le brouhaha. — Mais, Monsieur, aurait répondu le comédien, il me semble qu’un roi qui s’entretient tout seul avec son capitaine des gardes parle un peu plus humainement, et ne prend guère ce ton de démoniaque. — Vous ne savez ce que c’est. Allez-vous-en réciter comme vous faites, vous
Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 1.djvu/650
Apparence
Cette page n’a pas encore été corrigée