Comment donc ?
Cinq ou six paysans et paysannes, en me voyant passer, me sont venus demander mon avis sur différentes maladies.
Tu leur as répondu que tu n’y entendais rien ?
Moi ? Point du tout. J’ai voulu soutenir l’honneur de mon habit ; j’ai raisonné sur le mal, et leur ai fait des ordonnances à chacun.
Et quels remèdes encore leur as-tu ordonnés ?
Ma foi ! monsieur, j’en ai pris par où j’en ai pu attraper ; j’ai fait mes ordonnances à l’aventure ; et ce serait une chose plaisante si les malades guérissaient, et qu’on m’en vînt remercier.
Et pourquoi non ? Par quelle raison n’aurais-tu pas les mêmes privilèges qu’ont tous les autres médecins ? Ils n’ont pas plus de part que toi aux guérisons des malades, et tout leur art est pure grimace. Ils ne font rien que recevoir la gloire des heureux succès ; et tu peux profiter, comme eux, du bonheur du malade, et voir attribuer à tes remèdes tout ce qui peut venir des faveurs du hasard et des forces de la nature.
Comment, monsieur, vous êtes aussi impie en médecine ?
C’est une des grandes erreurs qui soient parmi les hommes.
Quoi ? vous ne croyez pas au séné, ni à la casse, ni au vin émétique ?
Et pourquoi veux-tu que j’y croie ?
Vous avez l’âme bien mécréante. Cependant vous voyez, depuis un temps, que le vin émétique fait bruire ses fuseaux[1]. Ses miracles ont converti les plus incrédules esprits ;
- ↑ Métaphoriquement, fait grand tapage, occupe le public. — Le vin émétique