Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 2.djvu/155

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ACTE II[1]



Scène 1

Sganarelle, Lisette.
Lisette

Que voulez-vous donc faire, Monsieur, de quatre médecins ? N’est-ce pas assez d’un pour tuer une personne ?

Sganarelle

Taisez-vous. Quatre conseils valent mieux qu’un.

Lisette

Est-ce que votre fille ne peut pas bien mourir sans le secours de ces messieurs-là ?

Sganarelle

Est-ce que les médecins font mourir ?

Lisette

Sans doute ; et j’ai connu un homme qui prouvait, par bonnes raisons, qu’il ne faut jamais dire : « Une telle personne est morte d’une fièvre et d’une fluxion sur la poitrine » : mais « Elle est morte de quatre médecins, et de deux apothicaires. »

Sganarelle

Chut ! N’offensez pas ces messieurs-là.

Lisette

Ma foi, Monsieur, notre chat est réchappé depuis peu d’un saut qu’il fit du haut de la maison dans la rue ; et il fut trois jours sans manger, et sans pouvoir remuer ni pied ni patte : mais il est bien heureux de ce qu’il n’y a point de chats médecins, car ses affaires étaient faites, et ils n’auraient pas manqué de le purger, et de le saigner.

Sganarelle

Voulez-vous vous taire ? vous dis-je. mais voyez quelle impertinence ! Les voici.

Lisette

Prenez garde, vous allez être bien édifié. Ils vous diront en latin que votre fille est malade.

  1. La pièce fut représentée à la cour telle qu’elle est ici, c’est-à-dire divisée en trois actes par des entrées de ballet ; mais, sur le théâtre de Paris, ces entrées furent probablement supprimées, et la pièce réduite en un seul acte. C’est du moins en cet état qu'on l'a toujours jouée depuis longtemps.