Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 2.djvu/221

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À quel prix aujourd’hui on peut les engager ?
1005Pensez-vous faire croire, à voir comme tout roule,
Que votre seul mérite attire cette foule ?
Qu’ils ne brûlent pour vous que d’un honnête amour,
Et que pour vos vertus ils vous font tous la cour ?
On ne s’aveugle point par de vaines défaites ;
1010Le monde n’est point dupe ; et j’en vois qui sont faites
À pouvoir inspirer de tendres sentiments,
Qui chez elles pourtant ne fixent point d’amants :
Et de là nous pouvons tirer des conséquences
Qu’on n’acquiert point leurs cœurs sans de grandes avances,
1015Qu’aucun, pour nos beaux yeux, n’est notre soupirant,
Et qu’il faut acheter tous les soins qu’on nous rend.
Ne vous enflez donc pas d’une si grande gloire,
Pour les petits brillants d’une faible victoire ;
Et corrigez un peu l’orgueil de vos appas,
1020De traiter pour cela les gens de haut en bas.
Si nos yeux enviaient les conquêtes des vôtres,
Je pense qu’on pourrait faire comme les autres,
Ne se point ménager, et vous faire bien voir
Que l’on a des amants quand on en veut avoir.

Célimène
1025Ayez-en donc, madame, et voyons cette affaire ;

Par ce rare secret efforcez-vous de plaire ;
Et sans…

Arsinoé
Et sans… Brisons, madame, un pareil entretien,

Il pousserait trop loin votre esprit et le mien ;
Et j’aurais pris déjà le congé qu’il faut prendre,
1030Si mon carrosse encor ne m’obligeait d’attendre.

Célimène
Autant qu’il vous plaira vous pouvez arrêter,

Madame, et là-dessus rien ne doit vous hâter.
Mais, sans vous fatiguer de ma cérémonie,
Je m’en vais vous donner meilleure compagnie ;
1035Et monsieur, qu’à propos le hasard fait venir,
Remplira mieux ma place à vous entretenir.



Scène 6

Alceste, Célimène, Arsinoé.


Célimène
Alceste, il faut que j’aille écrire un mot de lettre,