Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 2.djvu/261

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Martine

La folie de celui-ci est plus grande qu’on ne peut croire, car elle va parfois jusqu’à vouloir être battu pour demeurer d’accord de sa capacité ; et je vous donne avis que vous n’en viendrez pas à bout, qu’il n’avouera jamais qu’il est médecin, s’il se le met en fantaisie, que vous ne preniez chacun en bâton, et ne le réduisiez, à force de coups, à vous confesser à la fin ce qu’il vous cachera d’abord. C’est ainsi que nous en usons quand nous avons besoin de lui.

Valère

Voilà une étrange folie !

Martine

Il est vrai ; mais, après cela, vous verrez qu’il fait des merveilles.

Valère

Comment s’appelle-t-il ?

Martine

Il s’appelle Sganarelle. Mais il est aisé à connoître : c’est un homme qui a une large barbe noire, et qui porte une fraise, avec un habit jaune et vert.

Lucas

Un habit jaune et vart ! C’est donc le médecin des parroquets ?

Valère

Mais est-il bien vrai qu’il soit si habile que vous le dites ?

Martine

Comment ! c’est un homme qui fait des miracles. Il y a six mois qu’une femme fut abandonnée de tous les autres médecins ; on la tenoit morte il y avoit déjà six heures, et l’on se disposoit à l’ensevelir, lorsqu’on y fit venir de force l’homme dont nous parlons. Il lui mit, l’ayant vue, une petite goutte de je ne sais quoi dans la bouche ; et, dans le même instant, elle se leva de son lit, et se mit aussitôt à promener dans sa chambre comme si de rien n’eût été.

Lucas

Ah !

Valère

Il falloit que ce fût quelque goutte d’or potable.

Martine

Cela pourroit bien être. Il n’y a pas trois semaines encore qu’un jeune enfant de douze ans tomba du haut du