Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 2.djvu/263

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Qu’ils sont doux,
Bouteille jolie,
Qu’ils sont doux
Vos petits glouglous !
Mais mon sort feroit bien des jaloux,
Si vous étiez toujours remplie.
Ah ! bouteille, ma mie,
Pourquoi vous videz-vous[1] ?

Allons, morbleu ! il ne faut point engendrer de mélancolie.

Valère, bas, à Lucas.

Le voilà lui-même.

Lucas, bas, à Valère.

Je pense que vous dites vrai, et que j’avons bouté le nez dessus.

Valère

Voyons de près.

Sganarelle, embrassant sa bouteille.

Ah ! petite friponne ! que je t’aime, mon petit bouchon ! (Il chante. Apercevant Valère et Lucas qui l’examinent, il baisse la voix.)

Mais mon sort… feroit… bien des… jaloux,  Si… (Voyant qu’on l’examine de plus près.)

Que diable ! à qui en veulent ces gens-là ?

Valère, à Lucas.

C’est lui assurément.

Lucas, à Valère.

Le v’là tout craché comme on nous l’a défiguré.

  1. M. Roze, de l’Académie française, et secrétaire du cabinet du Roi, fit des paroles latines sur cet air, et pour faire une malice à Molière, il lui reprocha, chez M. le duc de Montausier, d’avoir traduit la chanson de Sganarelle d’une épigramme latine imitée de l’Anthologie. Voici les paroles de Roze :

    Quam dulces,
    Amphora amœna
    Quam dulces
    Sunt tuæ voces !
    Dum fundis merum in calices,
    Utinam semper esses plena !
    Ah ! Ah ! cara mea lagena,
    Vacua cur jaces ?

    (Lettre sur Molière, insérée dans le Mercure de France en décembre 1739. Prem. vol., pag. 2914, Cizeron-Rival, pag. 22.)