Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 2.djvu/281

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Géronte

Je le crois.

Sganarelle

Ah ! c’étoit un grand homme !

Géronte

Sans doute.

Sganarelle

Grand homme tout à fait ; (levant le bras depuis le coude.) un homme qui étoit plus grand que moi de tout cela. Pour revenir donc à notre raisonnement, je tiens que cet empêchement de l’action de sa langue est causé par de certaines humeurs, qu’entre nous autres savants nous appelons humeurs peccantes ; peccantes, c’est-à-dire… humeurs peccantes ; d’autant que les vapeurs formées par les exhalaisons des influences qui s’élèvent dans la région des maladies, venant… pour ainsi dire… à… Entendez-vous le latin ?

Géronte

En aucune façon.

Sganarelle, se levant brusquement.

Vous n’entendez point le latin ?

Géronte

Non.

Sganarelle, en faisant diverses plaisantes postures.

Cabricias, arci thuram, catalamus, singulariter, nominativo, hœc musa, la muse, bonus, bona, bonum. Deus sanctus, est-ne oratio latinas ? Etiam, oui. Quare ? pourquoi ? Quia substantivo, et adjectivum, concordat in generi, numerum, et casus[1].

Géronte

Ah ! que n’ai-je étudié !

Jacqueline

L’habile homme que v’là !

Lucas

Oui, ça est si biau que je n’y entends goutte.

Sganarelle

Or, ces vapeurs dont je vous parle venant à passer, du

  1. Les quatre premiers mots de cette tirade prétendue latin sont des mots forgés qui n’appartiennent à aucune langue. Le reste est une citation estropiée de quelques lignes du rudiment de Despautere, et principalement de ce passage : « Deux sanctus, est-ne oratio latina ? Etiam. Quare ? Qui adjectivum et subtantivum concordant in gencre, numero, casu ». (Auger.)