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Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 2.djvu/305

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DAPHNÉ.

Donne. De cette erreur ta rêverie est cause.

ÉROXÈNE.

Que veut dire ceci ? Nous nous jouons, je croi :
Tu fais de ces portraits même chose que moi.

DAPHNÉ.

Certes, c’est pour en rire, et tu peux me le rendre.

ÉROXÈNE.

Voici le vrai moyen de ne se point méprendre.

DAPHNÉ.

De mes sens prévenus est-ce une illusion ?

ÉROXÈNE.

Mon âme sur mes yeux fait-elle impression ?

DAPHNÉ.

Myrtil à mes regards s’offre dans cet ouvrage.

ÉROXÈNE.

De Myrtil dans ces traits je rencontre l’image.

DAPHNÉ.

C’est le jeune Myrtil qui fait naître mes feux.

ÉROXÈNE.

C’est au jeune Myrtil que tendent tous mes vœux.

DAPHNÉ.

Je venois aujourd’hui te prier de lui dire
Les soins que pour son sort son mérite m’inspire.

ÉROXÈNE.

Je venois te chercher pour servir mon ardeur,
Dans le dessein que j’ai de m’assurer son cœur.

DAPHNÉ.

Cette ardeur qu’il t’inspire est-elle si puissante ?

ÉROXÈNE.

L’aimes-tu d’une amour qui soit si violente ?

DAPHNÉ.

Il n’est point de froideur qu’il ne puisse enflammer,
Et sa grâce naissante a de quoi tout charmer.

ÉROXÈNE.

Il n’est Nymphe en l’aimant qui ne se tînt heureuse,
Et Diane, sans honte, en seroit amoureuse.

DAPHNÉ.

Rien que son air charmant ne me touche aujourd’hui,
Et si j’avois cent cœurs, ils seroient tous pour lui.