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Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 2.djvu/316

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CORINNE.

Oui.

MÉLICERTE.

Oui.Que les qualités dont Myrtil est orné
Ont su toucher d’amour Éroxène et Daphné ?

CORINNE.

Oui.

MÉLICERTE.

Que pour l’obtenir leur ardeur est si grande,
Qu’ensemble elles en ont déjà fait la demande ?
Et que, dans ce débat, elles ont fait dessein
De passer, dès cette heure, à recevoir sa main ?
Ah ! que tes mots ont peine à sortir de ta bouche !
Et que c’est foiblement que mon souci te touche !

CORINNE.

Mais quoi ? que voulez-vous ? C’est là la vérité,
Et vous redites tout comme je l’ai conté[1].

MÉLICERTE.

Mais comment Lycarsis reçoit-il cette affaire ?

CORINNE.

Comme un honneur, je crois, qui doit beaucoup lui plaire.

MÉLICERTE.

Et ne vois-tu pas bien, toi qui sais mon ardeur,
Qu’avec ce mot, hélas ! tu me perces le cœur ?

CORINNE.

Comment ?

  1. La première idée de cette scène se retrouve dans une comédie de Rotrou intitulée la Sœur :

    …Si d’amour tu ressentois l’atteinte,
    Tu plaindrois moins ces mots qui te coûtent si cher,
    Et qu’avec tant de peine il te faut arracher ;
    Et cette avare Écho, qui répond par ta bouche,
    Seroit plus indulgente à l’ennui qui me touche.
    ERGASTE.

    Comme on m’a tout appris, je vous l’ai rapporté,
    Je n’ai rien oublié, je n’ai rien ajouté :
    Que désirez-vous plus ? …
    Mélicerte, pressée par la même impatience dit à Corinne :


    Ah ! que les mots ont peine à sortir de ta bouche,
    Et que c’est faiblement que mon souci te touche !


    Quelques années après, Molière employa mieux cette idée, et s’en servit pour l’exposition des Fourberies de Scapin (Petitot.)