Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 2.djvu/456

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Monsieur Loyal
Pour tous les gens de bien j’ai de grandes tendresses,

Et ne me suis voulu, monsieur, charger des pièces
1775Que pour vous obliger et vous faire plaisir ;
Que pour ôter par là le moyen d’en choisir
Qui, n’ayant pas pour vous le zèle qui me pousse,
Auraient pu procéder d’une façon moins douce.

Orgon
Et que peut-on de pis que d’ordonner aux gens

1780De sortir de chez eux ?

Monsieur Loyal
De sortir de chez eux ? On vous donne du temps ;

Et jusques à demain je ferai surséance
À l’exécution, monsieur, de l’ordonnance.
Je viendrai seulement passer ici la nuit
Avec dix de mes gens, sans scandale et sans bruit.
1785Pour la forme, il faudra, s’il vous plaît, qu’on m’apporte,
Avant que se coucher, les clefs de votre porte.
J’aurai soin de ne pas troubler votre repos,
Et de ne rien souffrir qui ne soit à propos.
Mais demain, du matin, il vous faut être habile
1790À vider de céans jusqu’au moindre ustensile ;
Mes gens vous aideront, et je les ai pris forts
Pour vous faire service à tout mettre dehors.
On n’en peut pas user mieux que je fais, je pense ;
Et comme je vous traite avec grande indulgence,
1795Je vous conjure aussi, monsieur, d’en user bien,
Et qu’au dû de ma charge on ne me trouble en rien.

Orgon, à part.
Du meilleur de mon cœur je donnerais, sur l’heure

Les cent plus beaux louis de ce qui me demeure,
Et pouvoir, à plaisir, sur ce mufle assener
1800Le plus grand coup de poing qui se puisse donner.

Cléante, bas, à Orgon.
Laissez, ne gâtons rien.


Damis
Laissez, ne gâtons rien. À cette audace étrange

J’ai peine à me tenir, et la main me démange.

Dorine
Avec un si bon dos, ma foi, monsieur Loyal,

Quelques coups de bâton ne vous siéraient pas mal.