Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 2.djvu/543

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NOTICE. o55

• Niai ? George Baiidm offre aussi son côté moral. Les bourgeois, en IGGSj sont pris d’une mniiie qui va devenir épidénùque : ils veulent sortir de leur sphère, monter, contracter de grandes alliances et de grandes amitiés ; ils se hissent sur leur coffre-fort pour atteindre jusqu’à l’aristocratie et s’y mêler. De son côté, l’aristocratie est fort disposée à se baisser, à descendre, à se mêler familièrement aux bourgeois pour puiser dans leur caisse, tout en raillant et en méprisant ceux qu’elle pressure. La roture opulente passant un marché avec la noblesse besoigneuse, cette donnée qui a défrayé tout le théâtre de Dancourt et quelques-unes des meilleures comédies du dix-huitième siècle, c’est Molière qui le premier l’a trouvée. Molière, avant Le Sage et d’AUainval, a châtié la sotts vanité des uns et la cupidité avilissante des autres. George Dandin et M. Jourdain sont les type* du ridicule des bourgeois, et le marquis Dorante persooûifie la bassesse de certains gentilshommes d’alors. »

Grimarest, dont le témoignage, du reste, ne doit être accepte que sous toutes réserves, rapporte une anecdote assez singulière, qui trouve ici tout naturellement sa place ; la plupart des éditeurs de Molière l’ont répétée sans la discuter ; nous la répéterons après eux sans la garantir. Voici ce que dit Grimarest : — « Au moment où Molière allait mettre sa pièce au théâtre, un de ses amis lui fit entendre qu’il y avait dans le monde un homme qui pourrait bien se reconnaître dans le personnage de Dandin, et qui, par ses amis et sa famille, était en état de nuire au succès de la pièce : « Je sais, répondit Molière, un moyen » sûr de me concilier cet homme ; j’irai lui lire ma pièce. » En effet, le même soir, Molière l’aborde au spectacle, et lui demande une de ses heures perdues pour lui faire une lecture. L’homme en question se trouva si fort honoré de cette preuve de confiance, que, toute affaire cessante, il donna parole pour le lendemain. « Molière, disait-il à tout le monde, me lit ce soir » une comédie. Voulez-vous en être ? » Le soir, Molière trouva une nombreuse assemblée, et son homme qui la présidait : la pièce fut trouvée excellente. Lorsque plus tard elle fut représentée, elle n’eut pas de plus zélé partisan que ce pauvre mari, qui ne s’était pas reconnu.»

On a dit que le sujet de George Dandin était indiqué par Boccace. Le fait est exact ; mais Boccace l’avait emprunté du Chastoiement, recueil de contes en vers du douzième siècle, et l’auteur de ce dernier ouvrage l’avait lui-même tiré du Dolojialos. Écrit en indien cent ans environ avant l’ère chrétienne, « le DolO’ paios, dit M. Aimé Martin, fut traduit en persan, et successivement du persan en arabe, de l’arabe en hébreu, de l’hébreu en syriaque, et du syriaque en grec. Il est probable qu’il fut apporté en France à l’époque des premières croisades, et que lei

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