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Valère

Ce ne sera point votre passion qui jugera l’affaire, et l’on m’écoutera, au moins, avant que de me condamner.

Harpagon

Je me suis abusé de dire une potence ; et tu seras roué tout vif.

Élise, aux genoux d’Harpagon.

Ah ! mon père, prenez des sentiments un peu plus humains, je vous prie, et n’allez point pousser les choses dans les dernières violences du pouvoir paternel. Ne vous laissez point entraîner aux premiers mouvements de votre passion, et donnez-vous le temps de considérer ce que vous voulez faire. Prenez la peine de mieux voir celui dont vous vous offensez[1] ; il est tout autre que vos yeux ne le jugent ; et vous trouverez moins étrange que je me sois donnée à lui, lorsque vous saurez que, sans lui, vous ne m’auriez plus il y a longtemps. Oui, mon père, c’est celui qui me sauva de ce grand péril que vous savez que je courus dans l’eau, et à qui vous devez la vie de cette même fille dont…

Harpagon

Tout cela n’est rien ; et il valoit bien mieux pour moi qu’il te laissât noyer que de faire ce qu’il a fait.

Élise

Mon père, je vous conjure par l’amour paternel, de me…

Harpagon

Non, non ; je ne veux rien entendre, et il faut que la justice fasse son devoir.

Maître Jacques, à part.

Tu me paieras mes coups de bâton !

Frosine, à part.

Voici un étrange embarras !



Scène V.

ANSELME, HARPAGON, ÉLISE, MARIANE, FROSINE, VALÈRE, UN COMMISSAIRE, MAÎTRE JACQUES.
Anselme

Qu’est-ce, seigneur Harpagon ? je vous vois tout ému.

Harpagon

Ah ! seigneur Anselme, vous me voyez le plus infortuné

  1. C’est-à-dire, celui dont vous avez à vous plaindre.