Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 3.djvu/103

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Anselme

Tout beau ! Prenez garde à ce que vous allez dire. Vous risquez ici plus que vous ne pensez ; vous parlez devant un homme à qui tout Naples est connu et qui peut aisément voir clair dans l’histoire que vous ferez.

Valère

Je ne suis point homme à rien craindre ; et si Naples vous est connu, vous savez qui était don Thomas d’Alburci.

Anselme

Sans doute, je le sais ; et peu de gens l’ont connu mieux que moi.

Harpagon

Je ne me soucie ni de dom Thomas ni dom Martin.

Harpagon voyant deux chandelles allumées en souffle une.
Anselme

De grâce, laissez-le parler ; nous verrons ce qu’il en veut dire.

Valère

Je veux dire que c’est lui qui m’a donné jour.

Anselme

Lui ?

Valère

Oui.

Anselme

Allez. Vous vous moquez. Cherchez quelque autre histoire qui vous puisse mieux réussir, et ne prétendez pas vous sauver sous cette imposture.

Valère

Songez à mieux parler. Ce n’est point une imposture, et je n’avance rien qu’il ne me soit aisé de justifier.

Anselme

Quoi ! vous osez vous dire fils de don Thomas d’Alburci ?

Valère

Oui, je l’ose ; et je suis prêt de soutenir cette vérité contre qui que ce soit.

Anselme

L’audace est merveilleuse ! Apprenez, pour vous confondre, qu’il y a seize ans, pour le moins, que l’homme dont vous nous parlez périt sur mer avec ses enfants et sa femme, en voulant dérober leur vie aux cruelles persécutions qui ont