Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 3.djvu/118

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ÉRASTE.

Mais si, malgré tout cela, il vouloit vous forcer à ce mariage ?

JULIE.

Que voulez-vous que je vous dise ?

ÉRASTE.

Ce que je veux que vous me disiez ?

JULIE.

Oui.

ÉRASTE.

Ce qu’on dit quand on aime bien.

JULIE.

Mais quoi ?

ÉRASTE.

Que rien ne pourra vous contraindre ; et que, malgré tous les efforts d’un père, vous me promettez d’être à moi.

JULIE.

Mon Dieu ! Éraste, contentez-vous de ce que je fais maintenant, et n’allez point tenter sur l’avenir les résolutions de mon cœur ; ne fatiguez point mon devoir par les propositions d’une fâcheuse extrémité dont peut-être n’aurons-nous pas besoin ; et, s’il y faut venir, souffrez au moins que j’y sois entraînée par la suite des choses.

ÉRASTE.

Hé bien !…

SBRIGANI.

Ma foi ! voici notre homme : songeons à nous.

NÉRINE.

Ah ! comme il est bâti[1] !


Scène V.

MONSIEUR DE POURCEAUGNAC, SBRIGANI.
MONSIEUR DE POURCEAUGNAC, se tournant du côté d’où il est venu, et parlant à des gens qui le suivent.

Hé bien ! quoi ? Qu’est-ce ? qu’y a-t-il ? Au diantre soit la sotte ville, et les sottes gens qui y sont ! Ne pouvoir faire un

  1. On ne reconnoît point ici le goût délicat de Molière. Comment a-t-il pu lier Julie avec une semblable intrigante ? Comment, après de pareils aveux, les deux amants consentent-ils à mettre leur sort entre les mains d’un misérable échappé des galères, et d’une femme dont le faux témoignage a fait pendre deux personnes ? Il est vrai que cette scène est imitée de Plaute, mais cette imitation n’est point heureuse, elle sort absolument de nos mœurs.
    (Aimé Martin.)