Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 3.djvu/187

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La bassesse de ma fortune, dont il plaît au Ciel de rabattre l’ambition de mon amour ; le rang de la Princesse, qui met entre elle et mes désirs une distance si fâcheuse ; la concurrence de deux Princes appuyés de tous les grands titres qui peuvent soutenir les prétentions de leurs flammes, de deux Princes qui, par mille et mille magnificences, se disputent, à tous moments, la gloire de sa conquête, et sur l’amour de qui on attend tous les jours de voir son choix se déclarer ; mais plus que tout, Clitidas, le respect inviolable où ses beaux yeux assujettissent toute la violence de mon ardeur.

CLITIDAS.

Le respect bien souvent n’oblige pas tant que l’amour, et je me trompe fort, ou la jeune Princesse a connu votre flamme, et n’y est pas insensible.

SOSTRATE.

Ah ! ne t’avise point de vouloir flatter par pitié le cœur d’un misérable.

CLITIDAS.

Ma conjecture est fondée. Je lui vois reculer beaucoup le choix de son époux, et je veux éclaircir un peu cette petite affaire-là. Vous savez que je suis auprès d’elle en quelque espèce de faveur, que j’y ai les accès ouverts, et qu’à force de me tourmenter, je me suis acquis le privilége de me mêler à la conversation et parler à tort et à travers de toutes choses. Quelquefois cela ne me réussit pas, mais quelquefois aussi cela me réussit. Laissez-moi faire : je suis de vos amis, les gens de mérite me touchent, et je veux prendre mon temps pour entretenir la Princesse de…

SOSTRATE.

Ah ! de grâce, quelque bonté que mon malheur t’inspire, garde-toi bien de lui rien dire de ma flamme. J’aimerais mieux mourir que de pouvoir être accusé par elle de la moindre témérité, et ce profond respect où ses charmes divins…

CLITIDAS.

Taisons-nous : voici tout le monde.