Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 3.djvu/210

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

TIMOCLÈS.

C’est donner de trop grandes paroles, Madame, à de petites bagatelles.

ARISTIONE.

Des bagatelles comme celles-là peuvent occuper agréablement les plus sérieuses personnes. En vérité, ma fille, vous êtes bien obligée à ces Princes, et vous ne sauriez assez reconnaître tous les soins qu’ils prennent pour vous.

ÉRIPHILE.

J’en ai, Madame, tout le ressentiment qu’il est possible.

ARISTIONE.

Cependant vous les faites longtemps languir sur ce qu’ils attendent de vous. J’ai promis de ne vous point contraindre ; mais leur amour vous presse de vous déclarer, et de ne plus traîner en longueur la récompense de leurs services. J’ai chargé Sostrate d’apprendre doucement de vous les sentiments de votre cœur, et je ne sais pas s’il a commencé à s’acquitter de cette commission.

ÉRIPHILE.

Oui, Madame. Mais il me semble que je ne puis assez reculer ce choix dont on me presse, et que je ne saurais le faire sans mériter quelque blâme. Je me sens également obligée à l’amour, aux empressements, aux services de ces deux Princes, et je trouve une espèce d’injustice bien grande à me montrer ingrate ou vers l’un, ou vers l’autre, par le refus qu’il m’en faudra faire dans la préférence de son rival.

IPHICRATE.

Cela s’appelle, Madame, un fort honnête compliment pour nous refuser tous deux.

ARISTIONE.

Ce scrupule, ma fille, ne doit point vous inquiéter, et ces Princes tous deux se sont soumis il y a longtemps à la préférence que pourra faire votre inclination.

ÉRIPHILE.

L’inclination, Madame, est fort sujette à se tromper, et des yeux désintéressés sont beaucoup plus capables de faire un juste choix.

ARISTIONE.

Vous savez que je suis engagée de parole à ne rien prononcer là-dessus, et, parmi ces deux Princes, votre inclination ne peut