Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 3.djvu/212

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Quelle pourrait être cette raison ?

SOSTRATE.

Pourquoi me tant presser là-dessus ? Peut-être ai-je, Seigneur, quelque intérêt secret qui s’oppose aux prétentions de votre amour. Peut-être ai-je un ami qui brûle, sans oser le dire, d’une flamme respectueuse pour les charmes divins dont vous êtes épris ; peut-être cet ami me fait-il tous les jours confidence de son martyre, qu’il se plaint à moi tous les jours des rigueurs de sa destinée, et regarde l’hymen de la Princesse ainsi que l’arrêt redoutable qui le doit pousser au tombeau. Et si cela était, Seigneur, serait-il raisonnable que ce fût de ma main qu’il reçût le coup de sa mort ?

IPHICRATE.

Vous auriez bien la mine, Sostrate, d’être vous-même cet ami dont vous prenez les intérêts.

SOSTRATE.

Ne cherchez point, de grâce, à me rendre odieux aux personnes qui vous écoutent : je sais me connaître, Seigneur, et les malheureux comme moi n’ignorent pas jusques où leur fortune leur permet d’aspirer.

ARISTIONE.

Laissons cela : nous trouverons moyen de terminer l’irrésolution de ma fille.

ANAXARQUE.

En est-il un meilleur, Madame, pour terminer les choses au contentement de tout le monde, que les lumières que le Ciel peut donner sur ce mariage ? J’ai commencé, comme je vous ai dit, à jeter pour cela les figures mystérieuses que notre art nous enseigne, et j’espère vous faire voir tantôt ce que l’avenir garde à cette union souhaitée. Après cela pourra-t-on balancer encore ? La gloire et les prospérités que le Ciel promettra ou à l’un ou à l’autre choix ne seront-elles pas suffisantes pour le déterminer, et celui qui sera exclus pourra-t-il s’offenser quand ce sera le Ciel qui décidera cette préférence ?

IPHICRATE.

Pour moi, je m’y soumets entièrement, et je déclare que cette voie me semble la plus raisonnable.