Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 3.djvu/219

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Attendons que sa fille soit séparée d’elle : c’est un esprit que je redoute, et qui n’est pas de trempe à se laisser mener, ainsi que celui de sa mère. Enfin, mon fils, comme nous venons de voir par cette ouverture, le stratagème a réussi. Notre Vénus a fait des merveilles ; et l’admirable ingénieur qui s’est employé à cet artifice a si bien disposé tout, a coupé avec tant d’adresse le plancher de cette grotte, si bien caché ses fils de fer et tous ses ressorts, si bien ajusté ses lumières et habillé ses personnages, qu’il y a peu de gens qui n’y eussent été trompés. Et comme la Princesse Aristione est fort superstitieuse, il ne faut point douter qu’elle ne donne à pleine tête dans cette tromperie. Il y a longtemps, mon fils, que je prépare cette machine, et me voilà tantôt au but de mes prétentions.

CLÉON.

Mais pour lequel des deux Princes au moins dressez-vous tout cet artifice ?

ANAXARQUE.

Tous deux ont recherché mon assistance, et je leur promets à tous deux la faveur de mon art ; mais les présents du Prince Iphicrate et les promesses qu’il m’a faites l’emportent de beaucoup sur tout ce qu’a pu faire l’autre. Ainsi ce sera lui qui recevra les effets favorables de tous les ressorts que je fais jouer ; et, comme son ambition me devra toute chose, voilà, mon fils, notre fortune faite. Je vais prendre mon temps pour affermir dans son erreur l’esprit de la Princesse, pour la mieux prévenir encore par le rapport que je lui ferai voir adroitement des paroles de Vénus avec les prédictions des figures célestes que je lui dis que j’ai jetées. Va-t’en tenir la main au reste de l’ouvrage, préparer nos six hommes à se bien cacher dans leur barque derrière le rocher, à posément attendre le temps que la Princesse Aristione vient tous les soirs se promener seule sur le rivage, à se jeter bien à propos sur elle, ainsi que des corsaires, et donner lieu au Prince Iphicrate de lui apporter ce secours qui, sur les paroles du Ciel, doit mettre entre ses mains la Princesse Ériphile. Ce Prince est averti par moi, et, sur la foi de ma prédiction, il doit se tenir dans ce petit bois qui borde le rivage. Mais sortons de cette grotte : je te