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LE BOURGEOIS GENTILHOMME.

LE MAÎTRE À DANSER.

Par ma foi, je ne sais.

MONSIEUR JOURDAIN.

Il y a du mouton dedans.

LE MAÎTRE À DANSER.

Du mouton ?

MONSIEUR JOURDAIN.

Oui. Ah !

(Il chante.)

Je croyois Jeanneton
Aussi douce que belle ;
Je croyois Jeanneton
Plus douce qu’un mouton.
Hélas ! hélas !
Elle est cent fois, mille fois plus cruelle
Que n’est le tigre aux bois.

N’est-il pas joli ?

LE MAÎTRE DE MUSIQUE.

Le plus joli du monde.

LE MAÎTRE À DANSER.

Et vous le chantez bien.

MONSIEUR JOURDAIN.

C’est sans avoir appris la musique.

LE MAÎTRE DE MUSIQUE.

Vous devriez l’apprendre, monsieur, comme vous faites la danse. Ce sont deux arts qui ont une étroite liaison ensemble.

LE MAÎTRE À DANSER.

Et qui ouvrent l’esprit d’un homme aux belles choses.

MONSIEUR JOURDAIN.

Est-ce que les gens de qualité apprennent aussi la musique ?

LE MAÎTRE DE MUSIQUE.

Oui, monsieur.

MONSIEUR JOURDAIN.

Je l’apprendrai donc. Mais je ne sais quel temps je pourrai prendre ; car, outre le maître d’armes qui me montre, j’ai arrêté encore un maître de philosophie qui doit commencer ce matin.

LE MAÎTRE DE MUSIQUE.

La philosophie est quelque chose ; mais la musique, monsieur, la musique…