Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 3.djvu/263

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MONSIEUR JOURDAIN.

Je me l’imagine parceque je le sens. Voyez la belle maison !

LE MAÎTRE TAILLEUR.

Tenez, voilà le plus bel habit de la cour, et le mieux assorti. C’est un chef-d’œuvre que d’avoir inventé un habit sérieux qui ne fût pas noir ; et je le donne en six coups aux tailleurs les plus éclairés.

MONSIEUR JOURDAIN.

Qu’est-ce que c’est que ceci ? vous avez mis les fleurs en en bas.

LE MAÎTRE TAILLEUR.

Vous ne m’avez pas dit que vous les vouliez en en haut.

MONSIEUR JOURDAIN.

Est-ce qu’il faut dire cela ?

LE MAÎTRE TAILLEUR.

Oui, vraiment. Toutes les personnes de qualité les portent de la sorte.

MONSIEUR JOURDAIN.

Les personnes de qualité portent les fleurs en en bas.

LE MAÎTRE TAILLEUR.

Oui, monsieur.

MONSIEUR JOURDAIN.

Oh ! voilà qui est donc bien.

LE MAÎTRE TAILLEUR.

Si vous voulez, je les mettrai en en haut.

MONSIEUR JOURDAIN.

Non, non.

LE MAÎTRE TAILLEUR.

Vous n’avez qu’à dire.

MONSIEUR JOURDAIN.

Non, vous dis-je ; vous avez bien fait. Croyez-vous que mon habit m’aille bien[1] ?

LE MAÎTRE TAILLEUR.

Belle demande ! Je défie un peintre, avec son pinceau, de vous faire rien de plus juste. J’ai chez moi un garçon qui, pour monter une ringrave, est le plus grand génie du monde ; et un autre qui, pour assembler un pourpoint, est le héros de notre temps.

  1. Var. Croyez-vous que l’habit m’aille bien ?