Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 3.djvu/369

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je tremble des crimes
Que je vous fais commettre, et je dois me haïr...

LE ROI
Ah, qu'ils souffrent du moins mes plaintes légitimes,
Ce m'est assez d'effort que de leur obéir,
710 Ce doit leur être assez que mon cœur t'abandonne
Au barbare respect qu'il faut qu'on ait pour eux,
Sans prétendre gêner la douleur que me donne
L'épouvantable arrêt d'un sort si rigoureux.
Mon juste désespoir ne saurait se contraindre,
715 Je veux, je veux garder ma douleur à jamais,
Je veux sentir toujours la perte que je fais,
De la rigueur du Ciel je veux toujours me plaindre,
Je veux jusqu'au trépas incessamment pleurer
Ce que tout l'univers ne peut me réparer.

PSYCHÉ
720 Ah, de grâce, Seigneur, épargnez ma faiblesse,
J'ai besoin de constance en l'état où je suis:
Ne fortifiez point l'excès de mes ennuis
Des larmes de votre tendresse.
Seuls ils sont assez forts, et c'est trop pour mon cœur
725 De mon destin et de votre douleur.

LE ROI
Oui, je dois t'épargner mon deuil inconsolable.
Voici l'instant fatal de m'arracher de toi:
Mais comment prononcer ce mot épouvantable?
Il le faut toutefois, le Ciel m'en fait la loi,
730 Une rigueur inévitable
M'oblige à te laisser en ce funeste lieu.
Adieu: je vais... Adieu.

Ce qui suit, jusqu'à la fin de la pièce, est de M. C. à la réserve de la première scène du troisième acte, qui est de la même main que ce qui a précédé.