Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 3.djvu/396

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Maître des hommes et des Dieux,
Cher auteur des maux que j'endure,
Êtes-vous pour jamais disparu de mes yeux?
1570 Je vous en ai banni moi-même,
Dans un excès d'amour, dans un bonheur extrême,
D'un indigne soupçon mon cœur s'est alarmé;
Cœur ingrat, tu n'avais qu'un feu mal allumé,
Et l'on ne peut vouloir du moment que l'on aime,
1575 Que ce que veut l'objet aimé.
Mourons, c'est le parti qui seul me reste à suivre,
Après la perte que je fais.
Pour qui, grands Dieux, voudrais-je vivre,
Et pour qui former des souhaits?
1580 Fleuve, de qui les eaux baignent ces tristes sables,
Ensevelis mon crime dans tes flots,
Et pour finir des maux si déplorables,
Laisse-moi dans ton lit assurer mon repos.

LE DIEU DU FLEUVE
Ton trépas souillerait mes ondes,
1585 Psyché, le Ciel te le défend,
Et peut-être qu'après des douleurs si profondes
Un autre sort t'attend.
Fuis plutôt de Vénus l'implacable colère:
Je la vois qui te cherche et qui te veut punir,
1590 L'amour du fils a fait la haine de la mère,
Fuis, je saurai la retenir.

PSYCHÉ
J'attends ses fureurs vengeresses.
Qu'auront-elles pour moi qui ne me soit trop doux?
Qui cherche le trépas, ne craint Dieux, ni Déesses,
1595 Et peut braver tout leur courroux.

SCÈNE V

VÉNUS, PSYCHÉ.

VÉNUS
Orgueilleuse Psyché, vous m'osez donc attendre,
Après m'avoir sur terre enlevé mes honneurs,
Après que vos traits suborneurs
Ont reçu les encens qu'aux miens seuls on doit rendre?