Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 3.djvu/406

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Je ne suis plus enfant, et je l'ai trop été,
Et ma colère est juste autant qu'impétueuse.

VÉNUS
L'impétuosité s'en devrait retenir,
Et vous pourriez vous souvenir
1880 Que vous me devez la naissance.

L'AMOUR
Et vous pourriez n'oublier pas
Que vous avez un cœur et des appas
Qui relèvent de ma puissance:
Que mon arc de la vôtre est l'unique soutien,
1885 Que sans mes traits elle n'est rien,
Et que si les cœurs les plus braves
En triomphe par vous se sont laissé traîner,
Vous n'avez jamais fait d'esclaves
Que ceux qu'il m'a plu d'enchaîner.
1890 Ne me vantez donc plus ces droits de la naissance
Qui tyrannisent mes désirs;
Et si vous ne voulez perdre mille soupirs,
Songez en me voyant à la reconnaissance,
Vous qui tenez de ma puissance
1895 Et votre gloire et vos plaisirs.

VÉNUS
Comment l'avez-vous défendue,
Cette gloire dont vous parlez?
Comment me l'avez-vous rendue?
Et quand vous avez vu mes autels désolés,
1900 Mes temples violés,
Mes honneurs ravalés,
Si vous avez pris part à tant d'ignominie,
Comment en a-t-on vu punie
Psyché qui me les a volés?
1905 Je vous ai commandé de la rendre charmée
Du plus vil de tous les mortels,
Qui ne daignât répondre à son âme enflammée
Que par des rebuts éternels,
Par les mépris les plus cruels,
1910 Et vous-même l'avez aimée!