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Les Fourberies de Scapin.

Sylvestre.

J’avoue que le ciel ne m’a pas donné tes talents, et que je n’ai pas l’esprit, comme toi, de me brouiller avec la justice.

Octave.

Voici mon aimable Hyacinte.



Scène III.

HYACINTE, OCTAVE, SCAPIN, SYLVESTRE.
Hyacinte.

Ah ! Octave, est-il vrai ce que Sylvestre vient de dire à Nérine, que votre père est de retour, et qu’il veut vous marier ?

Octave.

Oui, belle Hyacinte ; et ces nouvelles m’ont donné une atteinte cruelle. Mais que vois-je ? vous pleurez ! Pourquoi ces larmes ? Me soupçonnez-vous, dites-moi, de quelque infidélité ? et n’êtes-vous pas assurée de l’amour que j’ai pour vous ?

Hyacinte.

Oui, Octave, je suis sûre que vous m’aimez ; mais je ne le suis pas que vous m’aimiez toujours.

Octave.

Hé ! peut-on vous aimer qu’on ne vous aime toute sa vie ?

Hyacinte.

J’ai ouï dire, Octave, que votre sexe aime moins longtemps que le nôtre, et que les ardeurs que les hommes font voir sont des feux qui s’éteignent aussi facilement qu’ils naissent.

Octave.

Ah ! ma chère Hyacinte, mon cœur n’est donc pas fait comme celui des autres hommes ; et je sens bien, pour moi, que je vous aimerai jusqu’au tombeau.

Hyacinte.

Je veux croire que vous sentez ce que vous dites, et je ne doute point que vos paroles ne soient sincères ; mais je crains un pouvoir qui combattra dans votre cœur les tendres sentiments que vous pouvez avoir pour moi. Vous dépendez d’un père, qui veut vous marier à une autre personne ; et je suis sûre que je mourrai si ce malheur m’arrive.