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Acte II, scène VIII.

ne puis souffrir, et je viens de consulter des avocats pour le faire casser.

Scapin.

Ma foi, monsieur, si vous m’en croyez, vous tâcherez, par quelque autre voie, d’accommoder l’affaire. Vous savez ce que c’est que les procès en ce pays-ci, et vous allez vous enfoncer dans d’étranges épines.

Argante.

Tu as raison, je le vois bien. Mais quelle autre voie ?

Scapin.

Je pense que j’en ai trouvé une[1]. La compassion que m’a donnée tantôt votre chagrin m’a obligé à chercher dans ma tête quelque moyen pour vous tirer d’inquiétude ; car je ne saurois voir d’honnêtes pères chagrinés par leurs enfants, que cela ne m’émeuve ; et, de tout temps, je me suis senti pour votre personne une inclination particulière.

Argante.

Je te suis obligé.

Scapin.

J’ai donc été trouver le frère de cette fille qui a été épousée. C’est un de ces braves de profession, de ces gens qui sont tous coups d’épée, qui ne parlent que d’échiner, et ne font non plus de conscience de tuer un homme que d’avaler un verre de vin. Je l’ai mis sur ce mariage, lui ai fait voir quelle facilité offroit la raison de la violence pour le faire casser, vos prérogatives du nom de père, et l’appui que vous donneroit auprès de la justice, et votre droit, et votre argent, et vos amis. Enfin je l’ai tant tourné de tous les côtés, qu’il a prêté l’oreille aux propositions que je lui ai faites d’ajuster l’affaire pour quelque somme ; et il donnera son consentement à rompre le mariage, pourvu que vous lui donniez de l’argent.

Argante.

Et qu’a-t-il demandé ?

Scapin.

Oh ! d’abord, des choses par-dessus les maisons.

Argante.

Et quoi ?

  1. Dans Térence, Géta dit de même à Chrèmes : « En réfléchissant avec attention à votre malheur, je crois en vérité avoir trouvé le moyen d’y remédier. »